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18 juin 2011 à Pont Lasveyras

Pont Las Veyras

Pont Las Veyras — 18-06-2011

Le Chemin de la Mémoire

 

Ainsi, pour cette première sortie 2011, l’équipe dirigeante de HNP, toute fière de sa nouvelle Présidente, nous avait concocté une excursion locale de printemps orientée vers le souvenir et la mémoire d’événements, pas toujours agréables.

Après un démarrage très matinal puis un court arrêt à Payzac pour y récupérer quelques documents envoyés par notre Président honoraire Pierre Larue, le site de Pont Laveyrat (orthographe actuelle), atteint à 8h15, constituait le point de démarrage de cette excursion. Le ciel chargé et une succession de petites ondées conféraient à ce lieu, lourd de souvenirs pas encore vieux, et fort encaissé dans les sombres gorges de l’Auvézère, un caractère pesant. Beaucoup d’entre nous ont avoué en être repartis, contents de la visite mais oppressés et mal à l’aise.

Le site isolé est localisé à la frontière de deux départements, la Dordogne et la Corrèze, et à une portée d’arquebuse de la Haute-Vienne (3 km). Était-ce voulu ? Probablement car cela ne facilitait pas l’information pendant la guerre. Mais aujourd’hui cela ne facilite pas non plus tout ce qui peut se faire et se dire autour de cet événement. En l’occurrence, si le magnifique pont roman du XIIIème siècle est situé en Dordogne et dépend de Payzac, le tristement célèbre Moulin de la Papeterie où fut perpétré le massacre, est situé en Corrèze et dépend de l’adorable village de Beyssenac. Entre Sud-Ouest, Le Populaire et La Montagne, la confusion introduite par certains médias peut ainsi conduire à de stériles polémiques sur le sujet.

C’est Monsieur Francis Comby, actuel maire de Beyssenac, qui nous accueille sur le site et nous fait l’historique, tant des événements que de l’organisation mise récemment en place sur ce lieu pour en faciliter la visite. Ainsi, c’est depuis 4 ans un Syndicat inter-communautaire du Moulin de la Résistance et de la Mémoire du Pont Laveyrat, regroupant les Communautés de Communes de Pompadour, Lanouaille et Saint Yriex-la-Perche, qui a racheté le Moulin de la Papeterie, qui le restaure et qui y installe un musée du souvenir ainsi qu’un chemin de la mémoire. C’est lui qui dorénavant organise les cérémonies annuelles du 16 février et honore les victimes par une exposition, laquelle peut circuler et être prêtée. Il prend ainsi la relève de l’Amicale des Anciens du bataillon Violette qui, jusqu’ici s’occupait des commémorations mais dont les membres sont maintenant vieillissants.


Le massacre dit du Pont Laveyrat (ou Pont Las Veyras) :

Francis Comby replace ensuite le cadre des événements.

De fin 1943 à 1944, il y avait sur ce site, à savoir dans le moulin mais aussi dans une grange à étage aujourd’hui détruite, une centaine de jeunes pour la plupart originaires de la Dordogne, canton de Lanouaille, et quelques uns du canton de Saint Yriex et de la Corrèze.

Le 16 février 1944 au petit matin, une cinquantaine se trouvaient retranchés sur ce lieu, lorsque les forces allemandes arrivèrent par les trois seuls accès possibles, en rendant l’échappatoire impossible. Une dizaine furent tués lors de l’attaque elle-même, mais à court de munitions le combat cessa très vite. Les autres furent alors rassemblés en trois colonnes de 12. Les jeunes de deux des colonnes furent immédiatement massacrées sur le site même, ce qui porte donc à 34 le nombre de tués sur place. Les 12 autres furent utilisés par les Allemands pour récupérer et embarquer les armes et munitions qui le pouvaient, puis furent déportés via Payzac, Limoges puis Compiègne. Cinq de ces jeunes moururent en déportation et sept en revinrent. Ont également été rescapés du massacre trois jeunes, l’un caché dans la rivière, l’autre qui a pu la traverser et le troisième blessé, laissé pour mort sur le terrain.

Selon les versions, non confirmées, l’origine du massacre serait imputable soit à une dénonciation par le propriétaire d’alors, soit à une infiltration dans le maquis lui-même par deux jeunes !

Monsieur Comby termine en attirant notre attention sur le fait qu’au-delà de la mémoire, le site présente un intérêt patrimonial et touristique indéniable. Le moulin est en parfait état et la rivière Auvézère et ses abords sont aménagés pour la pêche et les balades grâce à un sentier botanique de 2 km et à un circuit de vingt kilomètres environ depuis Ségur-le-Château, Lanouaille, Payzac ou Beyssenac. Il nous invite enfin à nous arrêter au retour à Beyssenac pour visiter son église romane tout récemment restaurée.


 

Le maintien du souvenir :

C’est Madame Nikolina Grimalt, Présidente de l’Amicale des familles et amis des victimes du nazisme en Limousin et Périgord (Afav), qui prend ensuite la parole pour nous parler du rôle de son Association d’environ 40 membres, nous faire visiter l’exposition mise en place et commenter les événements avec nous.

Depuis trois ans environ, cette association effectue des recherches sur les victimes et leurs familles, et collecte toutes les informations qui le peuvent, lettres, documents, photos, objets, souvenirs, pour la plupart très personnels. Après leur réunion et utilisation sur les panneaux de l’exposition, ces documents seront déposés aux Archives de Périgueux afin de rendre possibles des recherches ultérieures.

Un film sur CD de 35 mn a récemment été réalisé, en partie grâce à l’aide de l’Amicale des Anciens du bataillon Violette, il est en vente et sera distribué dans les écoles.

Madame Grimalt présente ensuite l’exposition, les objets et les lettres ayant appartenu aux maquisards et nous raconte comment ces derniers furent enterrés à l’époque.


La trahison :

Il est indubitable qu’une trahison semble avoir eu lieu, mais par qui et comment, rien ne permet aujourd’hui de répondre à ces questions. Compte tenu du parfait état dans lequel les bâtiments ont été laissés par les Allemands, le propriétaire des lieux a été suspecté. Cependant aucune preuve n’a pu être trouvée. Il faut aussi dire qu’une certaine confusion régnait alors dans l’encadrement de ces jeunes entre l’Armée secrète (AS) du bataillon Violette et les FTP (Francs-tireurs et partisans) qui se partageaient le lieu. Des jeunes allaient et venaient alors sans grande précaution ni discrétion, en particulier pour se procurer des provisions dans les fermes, il devenait alors inévitable que ces mouvements ne remontent jusqu’aux Allemands.

Une autre hypothèse relie ce massacre au STO (Service du travail obligatoire). En effet, l’instauration du STO eut lieu par Pierre Laval le 16 février 1943. Compte tenu que nombre des jeunes arrivant ici étaient en fait des “Réfractaires” au STO, la similarité des dates et la volonté de tuer ne peuvent que rappeler un lugubre anniversaire et surtout une punition.

Madame Grimalt fait enfin allusion au roman de Jean-Luc Aubarbier : “Les démons de sœur Philomène”, lequel relate une histoire basée sur un certain nombre de faits historiques. Une Sœur du couvent de Thiviers, native de Bergerac et employée comme infirmière à l’hôpital de Thiviers, fut accusée de trahir l’AS, par dépit amoureux. Elle serait en effet tombée amoureuse d’un curé devenu maquisard, lequel ne répondait plus à ses avances. Pour ces faits, elle fut amenée ici et fut exécutée par des membres du bataillon Violette vers le 8 février. Le massacre du 16 février pourrait alors aussi, constituer une espèce de représailles.

Le massacre de Pont Laveyrat est considéré comme le plus grand massacre de Réfractaires en France.

 

À savoir :

L’AS ou Armée secrète était la branche “londonienne” de la résistance, donc dévouée à De Gaulle. René Tallet de Sarlande, dirigea le bataillon Violette de l’AS à partir de 1942, sous le nom de guerre de Violette.

Les FTP ou Francs-tireurs et Partisans est le nom du mouvement de résistance armée créé en France à la fin de 1941 par la direction du Parti communiste français.

La fusion théorique entre les FTP et l’Armée secrète a lieu le 29 décembre 1943, donnant naissance aux FFI ou Forces Françaises de l’Intérieur.

À lire :

Pont Lasveyras : Un drame de la Résistance en Dordogne-Nord de Michel Maureau – Fanlac 2004

Les démons de sœur Philomène de Jean-Luc Aubarbier – JCLattès 2003

Michel Massénat


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